La ressource en laine dans le Massif central

Dans ces temps troublés, où la relocalisation n’a jamais autant semblé au cœur des débats, les acteurs économiques de la filière laine française ont une occasion rare de réorganisation de leurs approvisionnements. C’est ce qu’ont commencé à faire certains acteurs-clefs de la filière laine du Massif central et plus largement française. Mais quelle est cette ressource en laine du Massif central ?

L’élevage ovin, une activité traditionnelle à la source de la filière laine française

Le Massif central s’étend sur un territoire vaste de 85 000 km², de moyenne montagne, occupant le Centre de la moitié Sud de la France, soit le plus grand massif métropolitain. Il comprend le Parc national des Cévennes et dix Parcs naturels régionaux.

Après des centaines de millions d’années d’érosion, son socle de roches cristallines forme une terre où l’agriculture est peu rentable, à la faveur du pâturage. L’agriculture est orientée vers la production herbagère : production de broutards (1/3 du cheptel bovin allaitant français), production ovine laitière (2/3 de la production nationale de lait de brebis) et production d’agneaux (40 % de la production nationale). La filière ovine est l’un des secteurs économiques traditionnels avec des races ovines caractéristiques disséminées dans tout le Massif central.

Des races emblématiques françaises, à préserver

Les troupeaux valorisent une grande diversité de paysages que l’on peut classer en trois grandes catégories : les terres de grandes cultures du Nord et à l’Ouest ; les terres bocagères des plateaux et des causses au Nord-Ouest et au Nord-Est, au Sud et à l’Est ; les hautes terres de pâtures au Centre et tout au Sud-Est.

Réparties sur cette diversité de territoires, les principales races sont les suivantes : la Lacaune, connue pour son fromage Roquefort et qui compte environ 1 300 000 brebis, soit près de 20 % du cheptel ovin français, la Caussenarde des Garrigues, la Rouge du Roussillon, la Raïole, la Caussenarde du Lot, la Blanche du Massif-Central (BMC), la Limousine, la Rava, la Noire du Velay, la Grivette, la Bizet ou encore l’Ile de France. Dans les zones bocagères, d’autres races ovines sont présentes mais principalement conduites en croisement, comme les races Texel, Charollais et Suffolk. (Pour les détails sur les races pures, consulter le site du CORAM – Collectif des Races des Massifs : www.races-montagnes.com.)

Des races emblématiques mais diverses, rendant la production de laine plus complexe

Les moutons sont tondus au printemps et peuvent produire jusqu’à deux kilos de laine par tonte, soit environ 1 kg une fois la laine lavée. La tonte, qui a lieu entre fin mars et début juillet est indispensable au bien-être de l’animal car elle permet à la peau de respirer et elle débarrasse l’animal de ses parasites.

De cette filière ovine découle une production de laine diversifiée en termes de composition et couleur, variant de 25 à 35 microns environ selon les races déclinant une gamme de couleurs dites naturelles (couleur naturelle de la toison) : écru, beige, marron, gris et brun. Les toisons ne sont pas toujours d’une couleur unie et peuvent être tachetées.

Les laines sont catégorisables selon le micronnage des fibres donnant des qualités rustiques (autour de 30 microns) à semi-fines (autour de 25 microns), destinées variablement à la literie-matelasserie, au tapis, au tricot aiguille et machine, au travail artisanal ou industriel du feutre et au tissage. Certaines laines sont réputées dans le monde entier, et plus particulièrement au Japon, grâce à leur « gonflant », critère fortement apprécié en literie-matelasserie traditionnelle. Les laines sont transformées et présentées, selon les marchés, sous forme de flocons, cônes, écheveaux, pelotes ou encore nappes.

Jusqu’à présent la diversité des races et qualités des laines du Massif central à laquelle s’ajoute la difficile collecte en raison de la dissémination et multiplicité de petites exploitations (plus de 50% des exploitations ont un cheptel inférieur à 250 brebis) ont été des freins à l’emploi de cette matière dans une filière laine française, allant jusqu’à qualifier certaines laines de « déchet ».

Une filière laine française qui doit être protégée et renforcée

Il n’existe donc pas une laine du Massif central mais une multiplicité de laines, rustiques à semi-fines, adaptées à un large éventail de transformation, plus particulièrement en lien avec les secteurs de la décoration et de la literie-matelasserie mais aussi de l’habillement. Leur coût de production et de transformation reste le principal frein à leur utilisation par les entreprises françaises étant donné les nombreuses étapes de fabrication requises pour un produit fini (production, collecte, lavage, teinture, filature, éventuellement pré-peignage ou peignage puis tricotage, tissage ou aiguilletage, apprêt), en respect des coûts de main d’œuvre française mais aussi des normes environnementales et sociales en vigueur.

De nombreuses entreprises s’intéressaient aux laines de leur territoire depuis quelques années, voire décennies pour certaines d’entre elles. Quels seront les effets de la crise sur cette ressource ? La production de laine française sera fortement dépendante de la dynamique de la filière ovine qui doit relever le défi du renouvellement des générations et des modes de consommation de l’agneau. En ces temps de crise sanitaire, comme dans beaucoup de pays producteurs, la France a choisi de privilégier sa production aux viandes d’importation et a misé sur une communication autour du Made in France. Espérons que les efforts conjugués de la filière ovine et de la filière laine porteront leurs fruits pour valoriser un métier d’éleveur ovin attractif et rémunérateur, apte à préserver des territoires vivants tout en approvisionnant le secteur textile d’une ressource naturelle et précieuse.